Zoom sur : Miracle Earrings

Tu te souviens avec émotion de ce jour où tu t’es fait percer les oreilles. 

Tu as 12 ans, tu es grisée par un semblant d’autonomie, par le sentiment d’avoir pris une décision capitale dans ton existence, d’avoir affirmé ta différence ton style ton identité ta volonté de porter, toi aussi, des boucles d’oreille, et si possible dans l’absolu, te faire percer un deuxième trou sur le lobe gauche, comme Avril Lavigne.

Tu choisis avec soin les petites puces chirurgicales, tu hésites un peu entre les dorées ( moches ) ornées d’un strass vert et les argentées ( vilaines ) avec … ah bah non, sans strass, alors c’est mort. Allons-y pour les vertes qui scintillent à peine, mais qui sont toujours plus ragoûtantes que leurs congénères nues, froides, sans vie, bref. La bijoutière sort une espèce d’agrafeuse géante et tu commences à flipper ta mère mais tu restes digne parce que tu viens ici pour souffrir, okay, pour être aussi belle qu’ Avril Lavigne quand elle chante I’m With You. La dame te dit qu’il faut les garder quelques temps avant de pouvoir faire péter les anneaux en Argent que ta maman t’a offerts pour ressembler à une chanteuse de R&B parce que tu ne sais pas encore très bien où tu te situes musicalement parlant.

Te sentant investie d’une responsabilité toute neuve, tu t’appliques à désinfecter avec soin les petites incisions cachées sous les strass, et tu comptes les jours dans ton agenda « Ben » qui te séparent de la délivrance, celui où tu pourras te ruer chez Pimkie comme la misère sur le bas clergé pour faire l’acquisition d’une paire de boucles d’oreille digne de ce nom, du moins le penses-tu fermement, parce que Pimkie c’est la vie lorsqu’on a 12 ans et quelques deniers d’argent de poche dans un porte monnaie Winnie qui commence à te faire un peu honte.

 

C’est le jour J, il est dix-sept heures, tu galopes faire tinter tes piécettes sur le comptoir du géant de la fast-fashion ton magasin préféré et commences à essayer de virer ces puces de merde que tu ne peux plus souffrir en te regardant dans le rétroviseur de la voiture de ta Mum qui se demande pourquoi tu n’attends pas d’être arrivée à la maison. Le Style n’attend pas, maman, j’ai 12 ans et j’ai une PER-SO-NNA-LI-TE, okay ?

La magie opère, te voilà parée telle Alyssa Milano sur le tapis rouge lorsque tu foules le sol du collège, le lendemain, à la sonnerie de huit heures, d’un pas décidé.

« Azy trop belles tes boucles d’oreille, ça fait trop star, on dirait celles de Jessica Alba dans le dernier Star Club ! »

Eh ouais, les gars.

Le soir, ça te chatouille un peu derrière le lobe, tu grattes discrétos tout en continuant ton défilé dans la sphère privée : et quand bien même tout le monde s’en tamponne le coquillard, tu conserves malgré tout ta dignité.

C’est seule dans la salle de bain lorsque tu t’apprêtes à te faire couler un bain de Diva ( corrélatif à ton nouveau style ) que tu ôtes les précieuses de tes oreilles et…

HORREUR.

Ca saigne, ça pique, c’est pas terrible tout ça.

La Diva que tu es remet sa culotte Petit Bateau vitesse grand V et s’empresse d’aller consulter l’oracle.

« MAMANNNNNN , ça saigne !!!!!!! »

Et voilà. Tes lobes se sont infectés, les petits salauds.

 » Frchmt, chui dégouT,  G tro la mort« , confies-tu à ta copine Elise par SMS.

Tu te rendras vite compte qu’ils sont de nature fragile, ces lobes, que tu ne peux pas porter les bijoux qui te font envie, que tu devras d’abstenir, quelques temps plus tard, de copier ta copine Maureen qui porte des contrefaçons Chanel hyper grosses parce que toi… tes oreilles font les précieuses. Tu aurais bien blâmé la terre entière pour cette injustice, cette malfaçon dont tu soupçonnes tes parents d’être responsables, mais force est de constater que tu n’es pas seule dans ton combat , et ça, ça te réconforte un peu.

La mort dans l’âme, te voilà presque résignée à ne porter que des puces nacrées achetées par lot de 12 chez H&M pour le restant de tes jours.

Pourtant, les bijoux, tu adores ça. Tu as même découvert, bien des années plus tard,  une marque de bijoux brodés à l’aiguille par une nana qui ne paye pas trop de mine, comme ça, avec ses fleurs dans les cheveux et ses robes qui t’arrachent à moitié la rétine : Dissident Sheep. Ce sont des pièces uniques, ça te parle, ça te rappelle ton petit côté rebelle façon Avril Lavigne super vénère contre plein de trucs (avec quand même un super staïle) ; Mais pour l’instant, ce qui te vénère, toi, c’est de ne pas pouvoir porter les boucles de cette marque, bien trop lourdes pour tes lobes capricieux, même si leur créatrice te fait genre qu’elles sont super légères. Tu te fais du mal en regardant les Mini Earrings, en espérant que sur un malentendu, avec leurs fermoirs en Argent et leur poids réduit, ça pourrait passer. Mais la raison te rattrape et tu renonces à prendre le risque.

Tu avais écrit un mail à Jeanne, pleine d’espoir, pour savoir si elle n’avait pas dans son chapeau de magicienne un modèle qui pourrait peser dans le game mais pas sur ton lobe, qui pourrait faire renaitre un semblant d’Alyssa Milano en toi, même si elle est devenue ringarde, tu es prête à tous les sacrifices. Elle te répond que non, elle est désolée, mais elle ne peut laisser s’exprimer son art sur une si petite surface. Quelle prétention, en plus, non mais j’te jure, y’a vraiment des gens qui s’la pètent avec leurs lobes qui supportent un demi quintal, au bas mot .

Et c’est alors que le mois suivant, tu ouvres malgré tout machinalement le mail adressé  à la Team Dissident Sheep avec les nouveautés du mois RIEN-QUE-POUR-TOI (ou presque) et… tu manques t’avaler de travers ta petite tisane à la Camomille ( je suis sure qu’Avril Lavigne en fait de même chaque soir, vous n’y connaissez rien) .

C’est un MIRACLE.

Elle l’a fait. Elle a inventé un modèle de boucles fines et délicates comme des boutons de rose ( Ahem.. mais que voulez-vous, ce miracle m’inspire un élan lyrique) , qui brillent de mille feux, rien à voir avec ces strass qui se décollent de tes puces H&M grattées en soldes pour deux euros. Tu as du mal à y croire, et pourtant, elles sont bien là, à te faire t’esclaffer devant ton ordinateur, à te narguer du haut de leurs minuscules 7 grammes, perles nacrées et cristaux Swarovski délicatement brodés s’harmonisant pour constituer le Saint Graal.

 

C’est marrant, elle les a appelées Miracle Earrings, et il s’agit bien de cela, un petit miracle de concentré de personnalité comme la tienne, qui cherche à sortir des sentiers battus . Ni une, ni deux, tu réponds au mail DI-RECT et tu attends de voir s’afficher une réponse sur ton téléphone, une mini poussée d’adrénaline te serrant la poitrine. DAMN IT, elles sont vendues , ce sont des pièces uniques, adieu monde cruel. La créatrice te rassure en te disant qu’il y en aura bientôt en ligne sur le shop et que peut-être le coup de coeur sera au rendez-vous.

Et d’ailleurs, on dirait bien qu’il y a des nouveaux modèles disponibles sur le site ! HURRAH !