Where is the Love ?

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Tu auras peut être remarqué que ces derniers jours, je n’ai pas été aussi présente que d’habitude sur les réseaux sociaux.  Peut-être pas, mais cela n’a pas d’importance. Cela ne veut pas dire que je me la coule douce dans mon canapé en me délectant de la reprise des autres, bien au contraire. J’ai l’estomac en vrac et la gorge serrée. J’ai longuement hésité à écrire cet article, parce qu’on ne va pas se mentir, ce n’est pas spécialement des choses à balancer lorsque l’on est à la tête d’une toute jeune marque, mais c’est plus fort que moi. Je n’ai pas envie de me sentir coupable. Coupable de la fermer.

Cela fait un petit moment qu’en travaillant pour Dissident Sheep lorsque je mets ma casquette de Chargée de Communication, et que j’utilise, par voie de conséquence, les réseaux sociaux, je clique immédiatement sur ma page professionnelle afin d’éviter de traverser ce que j’ai baptisé  » Le Fleuve Négativiste » qui coule le long de mon fil d’actualité. Tu ne connais pas ?

C’est très simple : Ce fleuve prend sa source dans la peur/la contrariété/l’égocentrisme et l’ennui, pour terminer sa course dans la haine et le partage abusif d’états- d’âme terrifiants d’aigreur et de plaintes répétées toutes les soixante minutes, au bas mot.

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Lorsque l’on me demande ce qui m’inspire dans mon travail, souvent je ne sais pas trop quoi répondre, parce que je trouve que la meilleure réponse serait que c’est mon tempérament curieux qui crée cette multitude d’idées en attente de concrétisation. Curieux oui ! Mais curieux de quoi ? De tout , mais surtout… de l’Homme. Mankind, en anglais, c’est quand même plus parlant, et aussi beaucoup plus neutre. C’est tout de même absolument fabuleux de pouvoir voir les milliards de choses que l’homme est capable de faire de ses dix doigts, d’écrire, de chanter, d’inventer, de créer. Je crois que le processus créatif et artisanal me fascine, et je suis toujours émerveillée par les savoirs-faire qui s’étendent dans le monde entier.

Je me fais souvent la réflexion que sans internet, je n’aurais jamais pu avoir accès à ces archives de travaux traditionnels, à ces images de réalisations ancestrales, à ces photos de tenues cérémoniales toutes plus belles les unes que les autres.

Je suis toute chamboulée lorsque je tombe sur des images de mariages indiens, de fêtes populaires, de célébrations en tous genres qui fleurent bon l’amour et le partage. Toute chamboulée, aussi, souvent, d’assister derrière mon écran, à de si belles scènes de vie dans un climat parfois plus que misérable. Je me dis parfois qu’à force de tout vouloir posséder, à force de vivre comme nous autres occidentaux, nous vivons, on en oublie de rêver, on en oublie de créer, d’inventer, de se renouveler, d’être un peu plus courageux et satisfaits de notre condition, même si on ne gagne pas des mille et des cents, comme on dit. De voir l’autre comme un miroir potentiel de notre condition, dans d’autres circonstances.

Je relativise souvent en me demandant ce que serait ma vie si j’étais née ailleurs. Dans une famille pauvre, à l’autre bout du monde. Si j’avais été élevée par une famille de paysans, ou si j’avais trouvé mes parents morts assassinés dans mon salon. Si j’avais du fuir mon pays parce que toute ma famille aurait été décimée. Je me demande souvent si j’aurais rêvé de ce mythe de l’eldorado Européen, si j’aurais pu vaincre ma peur et risquer ma peau à tout moment sur des milliers de kilomètres en espérant pouvoir réaliser quelque chose de bien dans ma vie.

Quelque chose de simple, parfois. Comme avoir des enfants. Je me demande si j’aurais pu apprendre à tisser des costumes dès mon plus jeune âge, à fabriquer du papier, à sculpter avec des vieux pneus de voiture. Je me demande si moi aussi j’aurais pu être traitée comme un chien, en arrivant en Europe.

Je me demande où j’irais me réfugier si mon pays, la France, était d’un seul coup anéanti par la guerre. Moi, avec tout l’amour que j’ai à donner, à partager, avec mon savoir faire artisanal, et mon bagage culturel, universitaire et social. Je me demande si le métier de Kiné de mon Papa, sa façon si chaleureuse de travailler et de donner de sa personne aurait été réduite à néant, s’il avait du fuir son pays. Si Jean-Paul Gaultier aurait dormi dans la rue, si Lagerfeld aurait survécu à la haine, si Cristina Cordula aurait été fauchée par une voiture sur l’autoroute. Je me demande aussi si quelqu’un en aurait eu quelque chose à cirer que je me noie dans les eaux froides de la nuit, dans le plus sombre anonymat.

Je me demande si quelqu’un aurait encore du respect pour ce que je sais faire de mes dix doigts. Si cela aurait encore compté, rien qu’un petit peu. Je me demande si quelqu’un en aurait eu quelque chose à faire de ma souffrance, du fait que j’aie pu perdre toute ma famille. Je me demande si quelqu’un m’aurait accueillie, et pourquoi. Parfois j’ai peur d’avance de ce qui aurait pu m’arriver.

Je me dis tous les jours à quel point j’admire ces hommes et ces femmes du monde entier qui partagent leurs ondes de vie. Leur créativité, leur savoir faire, leur amour et leurs valeurs. Je me demande pourquoi y aurait-il une différence entre l’amour d’une maman Ivoirienne pour son enfant et celui d’une maman Espagnole pour le sien. Pourquoi y aurait-il une différence entre l’admiration que je porte au travail de teinture textile en Inde, à la confection du Wax africain, au tissage Péruvien et l’admiration émouvante que peuvent me porter ceux qui me suivent sur internet, parfois.

Je me demande pourquoi l’on est capable de s’accorder sur un amour universel, mais pas sur une souffrance , un deuil ou la peur de crever.

Je me demande aussi comment peut-on se proclamer créateur, prétendre être inspiré par des savoirs-faire issus des pays dont on rejette l’essence comme la galle. Comment pourrais-je vous laisser dire que je crée des bijoux ethniques si j’étais dégoutée à ce point par l’autre ? Si je n’étais pas super fière de lire ce genre d’adjectif apposé à mon travail ? J’ai du mal à comprendre.

Alors plutôt que de déverser ma tristesse, mon incrédulité, le fait, aussi, que parfois, je mette des oeillères, parce que tout ça, c’est un peu lourd à porter pour moi : toute cette merde, déversée par la peur en personne, le manque d’empathie malheureusement bien trop répandu. J’ai envie de dire Stop.

Arrêtez-de pourrir ma curiosité, de pourrir mon amour pour l’autre, de pourrir mon humanisme et de nourrir ma frustration d’être impuissante à ce point face à ce déferlement de méchanceté gratuite et de peur égoïstement dirigée vers son nombril alors qu’il y a en face quelqu’un qui a tout perdu, y compris sa putain de dignité, pour sauver sa peau.

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Je ne le dirai jamais assez. Dissident Sheep, c’est moi, mais c’est surtout toi. Toi, qu’importe qui tu es. Parce que ce qui m’inspire et me donne sans cesse envie de poursuivre, c’est bien tout l’amour, toute la gentillesse et la bienveillance que je donne et reçois en échange. Sans demander quoi que ce soit. C’est magique, c’est merveilleux. Tous ces messages adorables, tous ces sourires, lorsque je croise des gens dans la rue.

Mais moi, sans multiculture, sans avoir l’impression d’être envahie positivement par toutes ces influences, je ne suis pas grand chose. En fait, en tant que Française, je me sens un peu nulle. Je me sens bien lorsque je me dis qu’avec mon métier, je peux traverser toutes ces frontières et toutes ces cultures. Et que j’ai encore toute la vie pour en explorer ce que le temps me permettra d’explorer. Et de partager, avec tout l’amour et avec toutes les valeurs humaines que je défends.

Je ne me sens jamais aussi bien que lorsque, pendant un salon ou une expo, j’ai en face de moi des personnes de tous horizons, de toutes les cultures, de tous les âges, de tous les sexes et de toutes  les langues, couleurs, styles, religions…et ainsi de suite.

Lorsqu’un Monsieur m’a interpelée pour me dire qu’il connait le boulot que mon travail représente et qu’il reconnait l’Argent à sa couleur , parce qu’en Algérie, les femmes portent beaucoup de bijoux en Argent de belle qualité.

Lorsque mon petit Mickael, alors encore inconnu, m’avait demandé s’il pouvait essayer mon plus gros collier, qui lui faisait penser à un million de choses qui trouvaient écho en lui.

Lorsqu’une magnifique jeune femme m’avait dit en anglais que le même collier lui faisait penser avec nostalgie à son pays d’origine.

Lorsque j’ai reçu des messages qui m’évoquaient des voyages, des souvenirs, des émotions.

Lorsque j’ai reçu un colis d’anniversaire de la part d’une adorable cliente.

Lorsque j’ai reçu une photo du mariage italien d’une magnifique jeune femme qui portait des boucles Dissident Sheep avec sa belle robe blanche de fée clochette.

Parce qu’à force de juger, on en a oublié de s’émouvoir.

Et que moi, je fais le choix de poursuivre mon voyage à travers les émotions du monde. De te les transmettre pour que tu me nourrisses des tiennes.

J’emmerde la haine.

Photos par la douce Pauline Franque 

Make-Up & Hair par la délicate Marina Gandrey

Modèles : Les incroyables Mickael, Charlotte et Elodie ❤ 

6 commentaires sur “Where is the Love ?

  1. Ça fait tellement tellement tellement de bien de lire ça, au travers de tout le laid qui défile en ce moment… « A force de juger, on en a oublié de s’émouvoir »… Merci

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